La tuberculose (TB) reste l’une des maladies infectieuses les plus meurtrières au monde. Le nombre de cas a augmenté de 4,6 % entre 2020 et 2023, selon le rapport 2024 de l’OMS. Malgré des traitements existants, les retards de diagnostic, particulièrement dans les zones rurales ou défavorisées, alimentent la transmission et la mortalité. Mais une lueur d’espoir émerge : une échographie portable guidée par intelligence artificielle (IA), présentée lors du congrès de la Société européenne de microbiologie clinique et des maladies infectieuses (ESCMID), pourrait bouleverser la donne.
Pourquoi la tuberculose reste-t-elle un problème critique ?
Malgré les progrès médicaux, la TB tue 1,6 million de personnes chaque année. Les défis sont multiples :
- Diagnostic tardif : Les méthodes traditionnelles (radiographie pulmonaire, tests génétiques) nécessitent des équipements coûteux et des compétences spécialisées, souvent absentes en zones rurales.
- Inégalités d’accès : Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, 30 % des cas ne sont jamais diagnostiqués, favorisant la transmission.
- Facteurs aggravants : Le VIH, la malnutrition, ou encore les retards de traitement exacerbent la mortalité.
Une étude menée au Bénin par Véronique Suttels , chercheuse à l’Hôpital Universitaire de Lausanne , montre que l’IA pourrait bouleverser ce statu quo.
ULTR-AI : Comment l’IA surpasse les experts
Lors de la conférence de Vienne, le Dr Véronique Suttels et son équipe du CHUV de Lausanne ont dévoilé ULTR-AI, une suite d’algorithmes d’apprentissage profond (deep learning) conçue pour interpréter les images d’échographie pulmonaire. Trois modèles composent ce système :
Les résultats sont sans appel :
- ULTR-AI : Prédit directement la TB à partir des images.
- ULTR-AI[signs] : Identifie les signes cliniques interprétables par des médecins (ex. épanchements pleuraux).
- ULTR-AI[max] : Combine les deux précédents pour maximiser la précision.
Et les résultats sont sans appel :
- Sensibilité de 93 % et spécificité de 81 % pour détecter la TB,
- Une courbe ROC (AUC) à 0,93, surpassant de 9 % les interprétations d’experts humains.
Modèle | Sensibilité | Spécificité | AUROC |
---|---|---|---|
ULTR-AI[max] | 93 % | 81 % | 0,93 |
Experts humains | ~82 % | ~76 % | 0,84¹ |
Seuils OMS (min.) | ≥ 90 % | ≥ 70 % | – |
Pourquoi c’est révolutionnaire ?
- Précision : ULTR-AI[max] dépasse les seuils de l’OMS (90 % de sensibilité, 70 % de spécificité) pour un test de dépistage non invasif.
- Accessibilité : Un smartphone connecté à un échographe portable suffit, sans besoin de prélèvement de crachats.
- Décision éclairée : Dans des régions comme le Mali ou l’Afrique du Sud, où les « GeneXpert » (tests moléculaires) sont rares, l’IA permet un triage rapide pour orienter les patients vers des confirmations diagnostiques.
- Réduction des coûts : Moins de délais, moins de transmissions, et des traitements initiés plus tôt.
- Rapidité : Le diagnostic est immédiat, évitant les délais mortels liés aux transferts de patients.
L’impact humanitaire : Sauver des vies loin des hôpitaux urbains
Dans les zones rurales du Bénin, où l’étude a été menée, 192 patients sur 504 présentaient une TB confirmée. Parmi eux, 15 % étaient séropositifs pour le VIH, et 43 % souffraient de malnutrition. ULTR-AI a permis de :
- Réduire les hospitalisations (18 % des cas) grâce à un diagnostic précoce.
- Sauver des vies : Seulement 3 % de décès dans les 28 jours, contre 10 % en moyenne dans les régions non équipées.
« L’IA ne remplace pas le médecin, mais elle offre un outil de triage fiable là où il n’y a ni radiologue ni équipement lourd » , explique Suttels.
Limites et prochaines étapes
Si ULTR-AI est prometteur, son déploiement nécessite :
- Des validations dans divers contextes (climats, ethnies, co-infections),
- Un renforcement des formations pour les soignants locaux,
- Bien que moins onéreux qu’un scanner, le déploiement à grande échelle nécessite des investissements.
- Une intégration avec les programmes nationaux de lutte contre la TB.
L’équipe du CHUV étend déjà ses recherches au Mali et en Afrique du Sud, avec l’ambition de couvrir 10 000 patients d’ici 2025.
Que pensez-vous de l’utilisation de l’IA en médecine ? Partagez vos réflexions dans les commentaires.