Dans un schéma traditionnel de vente BtoB, les leads sont attirés et qualifiés par le marketing, qui passe le relai aux équipes commerciales, chargées de promouvoir l’offre et mettre en avant son caractère unique, dans l’objectif de convertir ces leads qualifiés en clients. Le vendeur, en incarnant ce dernier maillon de la chaîne, occupe un rôle crucial dans le processus de vente.
Système de vente traditionnel
Dans le domaine du B2B, la plupart des équipes de vente et de marketing fonctionnent de manière linéaire ou en série. Dès le début du parcours d’achat, le marketing engage les acheteurs potentiels au début de leur parcours d’achat, en déterminant s’ils sont prêts et aptes à s’engager auprès des représentants commerciaux.
Une fois ces leads qualifiés par le marketing, celui-ci passe le relais aux ventes avec les chargés de clientèle qui poursuivant l’engagement par des interactions en personne ou virtuelles. Durant cette étape de transition, l’engagement du client en ligne cède la place à l’engagement du client en personne.
Même dans les approches marketing basées sur les comptes, cette logique linéaire reste largement incontestée. D’abord le marketing, puis les ventes. Ou, plus précisément, d’abord l’engagement numérique à grande échelle, puis l’interaction ciblée avec le vendeur. Et, depuis des décennies, la quête d’une plus étroite association entre les ventes et le marketing s’est concentrée sur la progression des transactions tout au long de ce parcours, de la manière la plus transparente possible. Ce faisant, les frictions sont éliminées et les mesures, les données, et parfois même les incitations et les structures de reporting sont alignées, garantissant que le passage de la vente numérique à la vente humaine soit aussi efficace que possible.
L’essor de l’achat numérique en B2B
Depuis plusieurs années, les transactions B2B ont évolué de façon spectaculaire vers un comportement d’achat beaucoup plus numérique, rendant une grande partie de ce modèle commercial non seulement dépassé, mais presque obsolète.
Considérez les données suivantes, issues d’une étude l’entreprise en conseils Gartner. Dans une enquête pré-pandémique menée auprès de 750 clients B2B impliqués dans l’achat de solutions complexes au sein de leur organisation, les clients ont déclaré ne passer que 17 % de leur temps d’achat total à interagir directement avec les équipes commerciales des fournisseurs. Au lieu de cela, une grande partie de leur activité d’achat consistait en un apprentissage indépendant en ligne (27 %), un apprentissage indépendant hors ligne (18 %) et la recherche d’un consensus parmi un large éventail de parties prenantes internes et partenaires (22 % et 11 % respectivement).
Toutefois, aussi minime soit-elle, cette part de 17 % de l’activité d’achat allouée à l’interaction avec les fournisseurs (à la fois virtuelle et en personne) représente tous les fournisseurs, et non chaque fournisseur. Ainsi, si trois fournisseurs se disputent la même opportunité, on peut supposer que les clients répartissent leur temps de manière à peu près égale entre les trois, ce qui ne laisse à une équipe commerciale donnée qu’une toute petite fenêtre d’opportunité pour interagir directement avec ce client. Peut-être 5 ou 6 % du temps d’achat total si elle a de la chance.
Pour de nombreux responsables commerciaux, cette fenêtre d’interaction directe drastiquement réduite représente le plus grand défi auquel leurs équipes commerciales sont confrontées aujourd’hui. Soit un manque global d’accès, et donc d’opportunité pour influencer de manière significative les délibérations d’achat et faire pencher la préférence du client vers l’offre de leur entreprise.
Globalement, le parcours d’achat B2B typique d’aujourd’hui laisse aux équipes commerciales des fournisseurs très peu de surface pour la vente proprement dite.
Achat multicanal
Les acheteurs B2B d’aujourd’hui s’appuient largement sur les informations numériques pour progresser tout au long de leur parcours d’achat. Dans une enquête menée auprès de plus de 1 000 acheteurs B2B engagés dans un achat complexe, les personnes interrogées ont déclaré utiliser les canaux numériques et en particulier le site internet du fournisseur, avec une fréquence presque égale à celle des représentants commerciaux pour recueillir les informations nécessaires à la réalisation d’une série de « tâches » d’achat. Comme exemples, l’identification du problème, l’exploration de la solution, l’élaboration des exigences et la sélection du fournisseur. En définitive, les clients sont devenus largement indépendants et tendant à trouver par eux-mêmes les informations nécessaires à la décision d’achat.
En ce sens, il s’avère que les clients n’ont jamais vraiment voulu l’accès au vendeur en premier lieu. Au lieu de cela, ils recherchaient les conversations de vente non pas pour le plaisir de la conversation elle-même, mais comme un moyen pratique d’acquérir les informations nécessaires pour accomplir un ensemble spécifique de tâches d’achat. Maintenant que la plupart de ces informations sont disponibles en ligne, les représentants commerciaux ne sont plus le canal vers les clients, mais un canal vers les clients. Et les clients « votent avec leurs pieds », ce qui fait que de nombreux représentants commerciaux ont du mal à fournir une valeur suffisamment unique pour mériter le temps et les efforts supplémentaires que représentent les interactions commerciales en personne.
Cependant et malgré la lutte des vendeurs pour rester pertinents, les dirigeants d’entreprise trouveront dans le comportement d’achat autonome des clients une leçon d’une importance cruciale pour le succès commercial futur : aider les acheteurs B2B d’aujourd’hui à acheter n’est pas tant un défi de vente qu’un défi d’information (ou, alternativement, une opportunité d’information). Les entreprises qui fournissent le mieux aux clients les informations qu’ils recherchent, notamment par le biais des canaux qu’ils préfèrent le plus clairement, sont en bien meilleure position pour réussir dans le paysage commercial numérique actuel, qui évolue rapidement.
Préférence pour une expérience sans représentant commercial
Lorsqu’on leur pose la question, de nombreux acheteurs B2B de solutions complexes expriment une forte préférence pour une expérience d’achat exempte de toute interaction avec un représentant commercial. Dans une enquête menée auprès de près de 1 000 acheteurs B2B, 43 % des personnes interrogées ont reconnu qu’elles préféraient une expérience d’achat sans représentant. Par génération, 29 % des baby-boomers préfèrent acheter des solutions sans l’intervention d’un représentant, tandis que, fait remarquable, plus de la moitié des millenials, 54 %, expriment le même sentiment. Il est clair que l’expérience pratique et les données indiquent un changement générationnel potentiellement spectaculaire dans les préférences d’engagement des clients au cours des cinq à dix prochaines années.
À l’extrême, on pourrait conclure que la mort des ventes est proche. Cette interprétation des données semble toutefois irréaliste.
D’une part, les responsables commerciaux affirment que de nombreuses solutions complexes exigent un certain niveau de personnalisation collaborative nécessitant une interaction humaine, ce qui fait des représentants commerciaux des travailleurs essentiels dans le domaine des achats interentreprises. D’autre part, la plupart d’entre eux s’accordent à dire que les expériences d’achat B2B actuelles sont loin d’être suffisamment robustes, nuancées ou avancées pour soutenir les clients qui préfèrent acheter par eux-mêmes.
Pourtant, ce n’est pas parce que les clients d’aujourd’hui ne peuvent pas acheter des solutions complexes sans l’intervention d’un représentant commercial qu’ils ne préféreraient pas le faire si c’était possible. En ce sens, ce qui est le plus spectaculaire dans ces données, c’est le degré auquel les fournisseurs et les clients sont de plus en plus désynchronisés quant à la manière dont ils préfèrent interagir. En d’autres termes, les fournisseurs ne vendent pas de la manière dont de nombreux clients préfèrent acheter. Et ce fossé des préférences expose de plus en plus les fournisseurs au risque qu’un concurrent ou un perturbateur trouve le moyen de combler ce fossé de manière nouvelle et créative – tout comme les chauffeurs de taxi ont vu leur activité presque décimée lorsqu’ils n’ont pas pu ou voulu combler un fossé aussi important entre les préférences et la réalité des passagers.